Remarquables vestiges de l’Art Roman Breton, visite et découverte.

La plus ancienne photo connue du TEMPLE date du 18 Août  1858

photo stéréoscopique du Temple copie

Elle est l’œuvre de promeneurs anglais.

 Découverte  aérienne du Temple

Visite commentée :

Vidéo réalisée par Raymond Kayser.

L’édifice se présente sous la forme de 2 murailles concentriques, sans couverture, constituées de petit appareil, pour l’essentiel en grès rose, hélas trop friable, que le temps dégrade fortement; on trouve aussi un certain nombre de pierres volcaniques de couleur sombre, appelées spilite ou tuffeau vert; il y a même quelques blocs de granite gris-beige.

Temple de Lanleff : Vue de l'édifice depuis le nord ouestCes deux enceintes reposent, en guise de fondation,  sur un mur bahut large de plus d’un mètre .Il manque environ un tiers de l’enceinte extérieure;  la partie restante est complétée par deux absidioles, l’une à l’est, l’autre au sud-est. Cette partie restante est percée, à intervalles assez réguliers de 9 ouvertures qui évoquent ce que l’on sait des meurtrières moyenâgeuses. La circonférence extérieure totale a du être de 60 mètres. La partie est-sud est de l’édifice est formée d’un espace couvert qui relie les 2 enceintes extérieure et intérieure; cette partie laisse supposer que la construction devait être ainsi dans sa totalité.

Temple de Lanleff : partie couverte du déambulatoire 3

L’enceinte  intérieure est formée de 12 arches de style roman primitif portées par des piliers carrés de 90 cm de côté; ces arches sont toutes de dimensions différentes. Des colonnes engagées agrémentent chaque côté de chaque pilier.

Temple de Lanleff : colonnesTemple de Lanleff : colonnes

 

 

 

La structure de ces piliers laisse penser que la construction de l’édifice est plus ancienne qu’on ne l’a, le plus souvent, envisagée, en effet, la plupart des constructions connues du début du XI ème siècle utilisent des piliers ronds (voir Saint Bénigne de Dijon, Saint Jacques de Perros-Guirec, Lanmeur….), les piliers carrés les ont précédés dans les techniques de construction.

Les colonnes présentes dans la partie  intérieure de la paroi interne sont au nombre de 12, quatre hautes d’environ 4,5 mètres, 8 de 3 mètres. Elles ont perdu leurs chapiteaux.   Chacune des colonnes sous les arcades est surmontée d’un chapiteau en forme de pyramide inversée, tronquée.

Dessins de Devrez, architecte des M.H. en mars 1885:

 

coupe-C-Dcopie coupe-E-F--copie Détail-piliers-sur-G-H--cop ensemble-modifie-copie Vue-du-point-L-copie vue-intérieure-du-pont-K-co

Les éléments décoratifs

Presque tous les chapiteaux subsistant et les bases de ces colonnes sont décoré(e)s de motifs le plus souvent géométriques ainsi que de nombreuses torsades. Mais aussi, dans certains cas de représentations d’être vivants: humains, animaux terrestres, volatiles. On a compté plus de 140 éléments décoratifs sur l’édifice. Hélas, la friabilité du grès fait que ceux-ci se dégradent de plus en plus rapidement et deviennent de moins en moins visibles et compréhensibles.

L’un des plus remarquable est celui qu’Olivier Pagès a nommée « Adam pudique », il se situe sur un chapiteau, sous une arcade, au nord de l’édifice.

Temple de Lanleff : Détails sculpture Adam

Temple de Lanleff : Adam pudique

La particularité de cet élément décoratif est les grandes mains aux très grands doigts. Contrairement à ce que peuvent penser certains, il ne s’agit sans doute pas d’une exécution maladroite puisque l’on retrouve les mêmes caractères sur une autre représentation, découverte en 1972 par O. Pagès, qu’il a nommée « Adam et Ève » ou parfois « naissance d’Ève ».

Temple de Lanleff : Adam et Eve vus par Pagès

On retrouve là les mains aux très grands doigts déjà vues précédemment. Le personnage de droite est incontestablement de sexe masculin, ce qui n’est pas le cas de celui de gauche.  D’où le pas franchi par Olivier Pagès pour considérer qu’il pourrait s’agir d’une représentation d’Adam et Ève. Accepter cette idée amène à considérer que cet édifice se réfère à l’ancien testament. Sur cette image,  on peut discerner le bras droit et la main du personnage masculin, au-dessus de l’épaule du deuxième personnage, cette position est-elle une position d’invocation, de protection, voire les deux?

L’érosion   du grès entraîne la dégradation des éléments décoratifs, on peut voir ci-dessous la photo de grande qualité prise (difficilement) au mois d’Août par monsieur François Cahen qui nous permet un rendu proche de ce qu’Olivier Pagès avait découvert en 1972

Adam-et-Eve

Les éléments décoratifs relevés pour les monuments historiques en 1922quelques éléments sculptés

TOUS LES VISITEURS N’ONT PAS UNE VISON POSITIVE DE L’ÉDIFICE:

voici le texte qu’a écrit le poète et écrivain breton  Frédéric le Guyader à la fin du XIX ème siècle:

LE TEMPLE DE LANLEFF

 Ce temple énigmatique est effrayant à voir.

Sur ce sphinx trop muet, qui pourrait nous instruire ?

Quelles mains l’ont bâti ? Qui l’a pu concevoir ?

Et quel peuple l’a vu construire ?

Quel Barbare érigea, dans ce recoin breton,

Ce temple qu’une nuit effroyable enténèbre ?

Quels prêtres avait-il ? Et quel Dieu priait-on

Dans ce « Cirque » humide et funèbre ? (1)

O Christ ! Ce n’est pas toi, Dieu très jeune et très beau,

Ce n’est pas toi que ce sépulcre glorifie !

Dieu vainqueur de la Nuit, Dieu vainqueur du Tombeau,

Dieu de lumière, Dieu de vie !

Est-ce toi qu’on priait dans ce triste séjour,

Vierge-Mère, figure idéale et sereine,

Vierge éternellement belle, Vierge d’amour,

Auguste mère et douce reine ?

Non, non ! Ce n’est pas toi ni ton Fils adoré

Qu’on venait implorer sous ces voûtes sinistres.

C’est quelque Dieu cruel, dont le Culte abhorré

Éxigeait de cruels ministres.

Si jamais d’un squelette on a pu faire un Dieu,

C’est la Mort qu’on fêtait dans cette froide église.

Car c’est la Mort qui règne et plane sur ce lieu,

Et ce Temple qui la symbolise.

La Mort remplit ce Temple. Encor même aujourd’hui,

On n’y voit qu’elle. Elle est l’hôte de l’antre sombre.

Ce temple est fait pour elle. Elle est faite pour lui.

On l’entend ricaner dans l’ombre.

La Ruine est hideuse, et donne le frisson.

Le temps lui-même semble arrêté dans son œuvre.

Nulle fleur n’y végète, et dans l’affreux gazon

Glissent le sourd et la couleuvre.

On hésite à franchir la grille. (2) On n’entre pas.

On regarde, du seuil, la crypte circulaire.

Le froid vous saisit l’âme ; et l’on parle tout bas

Sous le grand porche tumulaire.

 Pourtant, quand je l’ai vu, c’était au mois de Mai.

Le soleil égayait notre pèlerinage.

Nous crûmes voir surgir, brusquement exhumé,

Le fantôme du Moyen-Âge …

(1)   L’auberge du pont de Lanleff, le village qui l’avoisine, au pied du coteau où s’élève le temple, s’appellent le Cirque. Ce nom se rapporte-t-il à l’enceinte circulaire de l’église ? C’est très probable.

(2) Tout d’abord, il faut des démarches et du temps pour se procurer la clef de cette grille. Quand nous y sommes allés, en mai 1895, nous ne pouvions disposer que de quelques minutes, et nous n’avons pas pu entrer. De plus, le sol de l’enceintequi, je crois, a servi de cimetière, est plein de boue, d’herbes, de crevasses, d’ornières. Il serait facile de niveler le terrain, de le sabler, pour le rendre présentable aux yeux. C’est miracle qu’abandonnée ainsi, cette ruine soit encore debout.

 

Un peu en contre-bas de l’édifice, se trouve un lavoir,  alimenté par une source dite  « fontaine ».

LA LÉGENDE DE LA FONTAINE

On raconte que par les profondeurs de la fontaine on pouvait communiquer avec le diable.

Une pauvresse, un peu sorcière et mère de nombreux enfants, ne pouvant plus les nourrir, conclut un marché avec Lucifer : elle lui donnerait un de ses enfants et recevrait en échange une grosse somme en pièces d’or,

L’échange se fit sur le bord de la fontaine. Le diable saisit l’enfant et mit dans la main de la pauvre femme les pièces toutes brûlantes du feu de l’enfer.

La sorcière, en essayant de les saisir, se brûla si cruellement qu’elle les laissa tomber sur le bord du lavoir.

On peut voir encore sur la pierre l’empreinte de ces pièces.

Temple de Lanleff - Empreintes des pièces

Mais cette légende trouve son origine dans la langue bretonne:

Mojenn ar feunteun (Lanleñv).

Lâret e vez e veze moaien da vont war-dro an diaoul dre foñs ar feunteun.

Ur paour-kaezh mamm, kalz a vugale dezhi ha gwrac’h un tammig, a soñjas ganti kaout un toullad mat a bezhioù aour digant Lusifer, ouzh unan eus he bugale.

Graet ar marc’had. Tapout a reas an diaoul krog er bugel ha taol a reas ar pezhioù aour, tomm-gor evel tan an ifern, war vaen ar feunteun.

Pa glaskas ar wrac’h tapout krog enne, ’vat, e voe devet ken e skoas anezhe en dour.

Gwelet e vez c’hoazh roudoù ar pezhioù-se war ar maen.

 

 

 

 

 


 

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